3Sep2017

Saving Private Konstanze

Konstanze (A), Blonde (GB) et Pedrillo (E) ont été enlevé.es par des pirates. Le Pacha Selim les a racheté.es au marché aux esclaves, et les retient dans son Sérail (oui, même Pédrillo). Belmonte (ES), qui aime Konstanze, s’est donné pour mission de les libérer, de les enlever au sérail, donc.
Il n’est pas très original qu’un jeune premier enlève sa bien-aimée de la maison paternelle ou beau-paternelle, pour la sauver d’un mariage odieux, c’est-à-dire avec un autre que lui. C’est même le fond de commerce de la Comedia dell Arte et l’inusable trame du Barbier de Séville à Monsieur Choufleuri, en passant par Mitridate et le Mariage Secret.
L’Enlèvement au Sérail, du seul fait qu’il se passe dans un Sérail a des airs d’en promettre plus : de l’aventure, de l’exotisme, du danger, de la passion… sans pouvoir plus se départir cependant d’un côté légèrement suranné évoquant tout à la fois les films des années 30, la nostalgie de la Rose pourpre du Caire et la publicité des infusions Saveurs du soir de mon enfance.
Le Sérail n’est pas le Djihad, la Mecque, l’Islam, une grotte en Afghanistan, le Sérail ne se laisse pas faire, il se cramponne à sa destination première : faire fantasmer gentiment les occidentaux sur un parfum de 1001 Nuits.
La réalité historique et sociale du Harem, son synonyme, n’intéresse ni Mozart, ni Stéphanie et il faudra attendre le film d’Arthur Joffé – Harem – pour que la réalité du lieu rencontre la fiction sans prendre des allures voilées de Shéhérazade. Cette brume érotico-exotique et le sujet qu’elle pare : la constance. Voilà, je crois, ce qui intéresse Mozart, puisqu’il n’aura de cesse de le remettre sur le tapis de chacun de ses opéras.
Une seule personne viendra-t-elle assister à l’opéra en jouet d’un suspens intense : le succès ou l’échec de la rescue mission des otages Konstanze, Blonde et Pedrillo ? À l’heure d’Argo et de Homeland, j’en doute. Pas un instant la musique de Mozart ne peut nous induire en terreur. L’Enlèvement au Sérail n’est pas un opéra d’action, comme on parle aujourd’hui d’un film d’action. Ce n’est pas une question d’époque : on peut voir encore aujourd’hui des spectateurs ronger leurs ongles en assistant à certaines pièces de Shakespeare, de Molière et la lecture des Liaisons dangereuses une fois commencée, ne souffre pas de répit.
Pourtant, il y a bel et bien un suspens. Il ne concerne pas le timing de l’opération d’évacuation des civil.es, ni ses modalités pas franchement mirobolantes (On attend la nuit, on pose une échelle contre un mur, après avoir saoulé un gardien porté sur la bouteille). Le suspens de l’Enlèvement au sérail, n’a besoin ni d’enlèvement ni de sérail. C’est celui de la constance du sentiment amoureux, ou plutôt de l’objet qui incarne ce sentiment. Les trois-quarts de la durée de l’opéra sont consacrés à répondre à cette question épineuse : l’amour a-t-il survécu ? Selon les personnages, il ne court pas les mêmes risques. Pour les sérieux (Konstanze et Belmonte) le danger réside dans la séparation, le temps écoulé et surtout dans la mise en présence d’un nouvel amoureux, fort différent, et séduisant, d’abord par sa nouveauté même, et par son humanité prouvée chaque jour : le Pacha Sélim. Pour les bouffes (Blonde et Pedrillo) qui n’ont pas été séparés, c’est plutôt l’ennui qui est le diable : Osmin, le gardien, ne représentant pas un rival crédible, mais seulement l’occasion pour Blonde d’affuter encore ses armes.
Il y a dans l’Enlèvement au Sérail deux moments de vérités qui ne sont pas non plus les fruits d’un timing à la seconde près. Ils sont pourtant question de vie ou de mort, telle que nous en connaissons au fil de notre existence, quand une certaine vie peut continuer ou laisser la place à une autre, et mourir.Le premier est inscrit dans le grand quatuor qui conclue le deuxième Acte, où les deux couples d’amoureux se retrouvent. Au lieu de mettre au point une stratégie efficace pour quitter la place, d’inventer un stratagème pour berner le Pacha Selim, de régler leurs montres sur la même heure et de vérifier leur capacité à retenir leur respiration sous l’eau plus de deux minutes, ils vont se demander si tout le monde souhaite vraiment être du voyage. Comme le sauveur n’est pas Rambo, mais un homme très impliqué sentimentalement avec la jeune femme qu’il souhaite exfiltrer, ce moment de vérité va être assez maladroit et coûteux. Konstanze et Blonde, qui sont demeurées fidèles, vont s’offusquer de la question qui leur est faite. Elle est pourtant indispensable à cette croisée des chemins où l’effort de la fidélité pourrait se confondre avec l’amour, la vertu avec la dette, l’amertume avec le devoir… Y a-t-il plus grand quitte ou double que celui de l’honnêteté de nos cœurs ? Le suspens par excellence ne nous attend-il pas chaque jour dans notre miroir ?
Le deuxième moment de vérité de l’ouvrage, appartient au Pacha Sélim. C’est le moment de la clémence ou de la punition quand les fuyards sont rattrapés. Là encore, un choix de vie, une bifurcation. Cet instant où tout notre être est convoqué, avec son passé, ses rêves, ses croyances, sa droiture pour vivre l’instant présent. Et choisir son avenir, bien plus que celui de ses potentielles victimes.  Il n’est pas anodin qu’au jeune premier ténor, on oppose un acteur, qui ne chante pas, qui n’use pas des armes habituelles de la séduction à l’opéra. Rappelons pour la forme que Konstanze, Blonde et Pedrillo ont déjà été sauvé.es par… lui. On ne voit qu’en creux les viols, tortures, violences en tous genres par lesquelles ces trois personnages seraient probablement passés sans l’intervention de Selim. Mais voilà le moment où la patience est comble, l’ingratitude la plus saignante. Selim qui a bien peu parlé jusque là, bien peu pour un acteur dont le rôle est si important, va dire son histoire. Et s’en libérer. La porte qui s’ouvre est ouverte pour tous, captifs et gardiens. Libre à Osmin de rester prisonnier de la prison vide. D’ailleurs il n’y a plus de porte, plus de sérail et tout peut commencer pour Selim.

*SERAIL :
A –  [Dans l’ancien empire ottoman] Palais du sultan et de quelques hauts dignitaires. La pointe du sérail s’avance comme un promontoire ou comme un cap aplati entre ces trois mers, en face de l’Asie : (…) − c’est un triangle dont la base est le palais ou le sérail lui-même, dont la pointe plonge dans la mer, dont le côté le plus étendu donne sur le port intérieur ou canal de Constantinople (Lamart.,Voy. Orient, t. 2,1835,p. 377.).
B. − P. méton. Harem, partie du palais où sont les femmes. Vie de sérail;  eunuques du sérail. Qui trouble ainsi les flots près du sérail des femmes ? (Hugo, Orient., 1829, p. 84).
b) P. méton. Ensemble des femmes du harem. [Louise à Renée] Comment, bientôt mariée! (…) j’aimerais mieux aller me promener aux îles d’Hyères en caïque, jusqu’à ce qu’un corsaire algérien m’enlevât et me vendît au grand seigneur; je deviendrais sultane, puis quelque jour validé, je mettrais le sérail c’en [sic] dessus dessous (Balzac, Mém. jeunes mariées, 1842, p. 188).

Previsouly in The Abduction from the Seraglio
Konstanze (A), Blonde (GB) et Pedrillo (E) were raptured by pirates. Pacha Selim bought them at the slaves market,  and keep them in his seraglio (yes, even Pedrillo). Belmonte (ES), who loves Konstanze,  has committed himself to setting them free, to abduct them from the seraglio, so to speak.

It is not of a great originality for a young male lead to abduct his beloved from her father’s  ou stepfather ’s house, in order to save her from an obnoxious marriage, understand : with someone else than him.
It’s Comedia dell Arte’s same stock in trade and the wear-resistant plot from Il Barrier di Seviglia to Monsieur Choufleuri,  through Mitridate and Il Matrimonio Segreto.
The Abduction from the Seraglio , of the sole fact it take place in a Seraglio seems to promise more : adventure, exotisme, danger, passion… though unable to get rid of this slightly old-fashioned charm, that simultaneously evokes movies of the 30’s, nostalgia of The Purple Rose of Cairo, and this advertisement of my childhood for  Saveurs du soir’s herb teas.
The Serail is not the Djihad, the Mecca, Islam, some cave in Afghanistan. The Serail shows resistance, it clings to its first destination : to have us Westerners nicely fantasizing with 1001 nights’ fragrance.
The historical reality of the Harem, its synonym, does not interest neither Mozart, nor Stephanie. We must wait for Arthur Joffé’s movie –  Harem –  to see the reality of the place encountering fiction without veiling around on the Sheherazade’s style. This erotico-exotic mist and the subject it adorns : constancy, here is, I believe , what Mozart is interested in. For he will never stop bringing this subject back, again, and again, for each of his operas.
Will there be one spectator to attend our show shaking under the intensity of suspense : success or failure of the rescue mission of hostages  Konstanze, Blonde and Pedrillo ? In the days of ’Argo and Homeland I seriously doubt it. If Mozart is a king, is music is not a reign of terror.  The Abduction from the Seraglio is no action opera, as we talk of action movie. It has nothing to do with time : it’s still possible nowadays to nail bite watching Shakespeare’s and the reading of  Dangerous Liaisons, once start, is hard to stop one minute.

Yet, there is suspense here, indeed.  It doesn’t concern the timing of the operation of civilians evacuation,  nor its childish terms (wait for the night, put a ladder against the wall, after getting a man naturally  inclined to the bottle drunck…). Suspense in The Abduction in Seraglio doesn’t need abduction, nor, till a certain point, Seraglio. It depends on the love constancy, or rather the constancy of whom is loved. Three quarters of the opera are dedicated to answer this thorny question : has love survived ?
Chance is not the same for all the characters.  For the serious ones (Konstanze, Belmonte) the danger lies ion separation, time passed apart and mainly in the apparition of another lover, much different and attractive, first by his newness, and also by his humanity, each day proved : Pacha Selim.  For the buffos (Pedrillo, Blonde), who haven’t been taken apart, the very devil lies in monotony : Osmin, the warder, can not be mistaken for a credible rival. He is but an opportunity for Blonde to sharpen her nails.

There are in the The Abduction from the Seraglio, two moments of truth, that are neither products of a “time to the second” plan. Yet, both these moments are of life or death matter,  as we meet some through our own existence, each time a certain life can continue or make way to another, and die.
The first moment of truth takes place in the great Quatuor that closes up Act II, when the both loving couples meet again. Instead of working on a proper strategy to escape, of inventing  brilliant stratagems to fool Pacha Selim, of setting their watches and checking their capacity to hold their breathes under water more than two minutes, they wonder if everyone does wish to be on board and deserves it. As the savior is not Rambo, but a man sentimentally involved with the woman he plans to exfiltrate, this moment of truth proves to be quite a clumsy and costly one. Konstanze and Blonde, who have both in deeds remained faithful, won’t like much to be questioned. Nevertheless, this question seems indispensable on this crossroad where the faithfulness effort could be mistaken for love, vertu for debt, bitterness with duty… Is there greater  “  double or quits  ” than the one of honesty in our hearts ? Is it not suspense par excellence that awaits us everyday in the mirror ?
The second moment of truth of the play belongs to Pacha Selim. Clemency or punishment when the fugitives are caught back ? Once again, a life’s choice, a crow’s foot. The instant when our whole being is summoned, with its past, its dreams, its beliefs, its righteousness to seize the present moment. And chose the future, far above its potential victims’. An actor being opposed to a tenor lead is not an anodyne cast. An actor that doesn’t sing nor use any of the traditional seduction weapons generally at work in Opera. Let’s recall, as a matter of form, that Konstanze, Blonde dan Pedrillo have already been rescued once… By Selim. Rapes, tortures, violences of all kinds that would probably have been committed on them without his intervention appear as distant shadows. But here’s the time when patience is over, ungratefulness, the bloodiest. Selim, who has not said much till then, very  little for an actor granted of such an important part at least, is to tell his story, now. And to break himself free from it. The doors that gets open, opens for all, captives and jailers. Osmin is free to keep himself prisoner of his hollow prison. Anyway, the door is gone, so is the Serail and everything begins for Selim.

*SERAIL :
A – [ In ancient ottoman empire ] Palace of the sultan and a few others dignitaries .
B - B. meton.
1.
a) Harem, parts of the palace where women live.
b) By. méton.  All the women of harem.
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