MESSAGER / GUITRY
Créé le 2 février 2009 à l’auditorium du Musée d’Orsay.
Direction musicale, piano : Emmanuel Olivier
Mise en scène : Emmanuelle Cordoliani
Scénographie : Émilie Roy
Costumes : Julie Scobeltzine :
Lumières : Bruno Bescheron
Elle : Julie Fuchs
La 1ère servante : Camille Poul
La 2ème servant : Chloé Briot
Lui : Florent Baffi
Le Baron : Laurent Laberdesque
Le Maharadjah : Hovhannes Asatryan
L’interprète : Zhe Chi
À mon masque, tu me reconnaîtras…
C’est l’histoire d’Elle, qui, à vingt ans vient d’achever le tour de son ambition sociale. Elle a deux amants, deux servantes, des perles et des diamants plein ses coffres. Elle tombe amoureuse d’un portrait, comme dans les contes. Mais la photographie, elle aussi, a vingt ans.
C’est également l’histoire de Lui, qui, à deux fois vingt ans, va s’inventer une jeunesse pour ressembler à celui qu’il n’a jamais été, celui qu’Elle rêve d’aimer.
Elle et Lui funambulent sur l’étroite frontière qui sépare
l’Enchantement du Désenchantement.
On dirait un conte de fée, mais le seul talisman qu’on emporte avec soi est la rengaine douce-amère : Quand j’aime, qui aimé-je ?
L’Amour Masqué va bien plus loin que le bal du deuxième acte et la petite entourloupe qu’Il joue pour Elle à cette occasion, car en fait, tous sont masqués dès le commencement et plusieurs fois encore.
Les servantes, ces doublures d’Elle qui la copient sans l’égaler, mais la surpassent ou la surprennent. Le Baron, qui pose en amant généreux alors qu’il n’a jamais embrassé que l’ombre de l’amour.
Le Maharadja ténébreux derrière l’éventail de son exotique dialecte. L’interprète emmitouflé dans sa pudibonderie. Elle et son beau masque qui n’est plus qu’un gagne-pain.
Et Lui soudainement aux prises avec la crise de la demi-vie devant ce joli minois, la fameuse crise du masque dont Jung disait qu’elle était souhaitable et salutaire, puisqu’elle répond à une exigence intérieure de cohérence de soi à soi-même, une recherche d’un sens à sa vie faisant fi des préjugés, opinions ou valeurs collectives dont nous avons hérité.
Ce jeu de dupes était à coup sûr plus flagrant encore quand on venait y voir Sacha Guitry et son Yvonne Printemps de femme se mettre en abyme dans les deux rôles principaux. Qui vois-je ? devait-on se demander. L’Auteur et l’Actrice, les amants, les époux, Elle et Lui…
Ce n’est pas offenser le public que de lui offrir l’ambiguïté et ni Guitry, ni Messager ne nous en ont privé. Les chemins qu’ils mènent à l’Amour sont couverts, embusqués et tortueux. La limpidité du conte y est toujours troublée par le goût des saillies et les petits pas de côté du réel. Le voisinage temporel de la Grande Guerre appelle la gaieté furieuse, les jeux idiots et les chansons bêtes, comme une conjuration, l’absurde comme un héritage. Il n’y a pas de happy end, mais il n’y a pas non plus véritablement de fin, juste une redistribution des cartes, une porte ouverte sur les possibles.
Mais si, finalement, les illusions de l’amour, ses faux semblants, ses poutres dans l’oeil et ses miroirs aux alouettes étaient seuls à même de laisser voir véritablement l’amour ? Ici, l’on verra le Faux accoucher du Vrai, mais n’est-ce pas justement la vieille histoire du théâtre ?
Et si le masque est usé et n’a plus rien à dire, il fera encore parler de lui… en tombant.