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Aujourd’hui, mû par le seul désir de voir un lieu réputé pour sa hauteur, j’ai fait l’ascension d’un mont, le plus haut de la région, nommé non sans raison Ventoux .
L’ascension au Mont Ventoux de Pétrarque est un voyage initiatique d’un jour, où se pose la question de l’élévation de l’âme en même temps que celle du corps. Au retour de la grande marche, Petrarque en peu de mots en rend compte dans une lettre à son confesseur resté en Italie. Bach a composé une grande partie de son oeuvre pour violon après la mort de sa femme. Une oeuvre tourmentée en forme de questions incessantes et irrésolues. Un cheminement dans le sombre. La deuxième partita est peut-être un tombeau pour Maria Barbara, sa première femme.
Je voulais différer la fatigue de la montée, mais la nature ne cède pas à la volonté humaine, et il est impossible pour un corps de gagner les hauteurs en descendant.
La solitude intense de la réflexion intime ne se fait bien entendre qu’à plusieurs. Pétrarque marche avec son frère qui toujours le devance, l’encourage, le précède, le moque et l’attend. Voix et violon, pareillement s’accompagnent en s’alternant, dans la vertigineuse intériorité de ces voyages. Et lors, Bach et Pétrarque s’écoutant, s’ouvrant, s’éclairant l’un l’autre, échangeant leurs point de vue et leurs cartes de grands randonneurs de l’âme, cela va tout seul. Cette ascension en ré mineur est le croisement de nos cheminements. Une manière de faire ensemble un bout de route. Sinueuse, surprenante, toujours nouvelle sous la lumière changeante du temps qui passe. La vie que nous appelons heureuse occupe les hauteurs et, comme dit le proverbe, étroite est la route qui y mène. Nombreux aussi sont les cols qu’il faut passer, de même nous devons avancer par degrés, de vertu en vertu ; sur la cime est la fin de toutes choses, le but vers lequel nous dirigeons nos pas. Tous veulent l’atteindre, mais comme dit Ovide, « vouloir est peu ; il faut, pour parvenir, désirer. » Arrivé au sommet du Mont Ventoux Pétrarque embrasse d’un regard le vaste domaine qui s’étend des Pyrénées espagnoles au Grand Balkan. Ce faisant, il dessine La Respublica Literaria, dont il est considéré comme le père spirituel. A travers ce spectacle et ses pérégrinations nous cherchons à arpenter cette idée originelle d’une Europe de la connaissance, de la culture et de l’amitié. E.C