Attraper la parole , les idées, les sentiments, les désirs, — le volatile, le subtil, visible un instant seulement dans le prisme d’un certain soleil — et le matérialiser sur le papier, avec son volume, sa vitesse, sa surprise. Écrire. Peindre, sculpter, filmer … tracer c’est simultanément retracer et terrasser pour la suite.
Théoriser son geste, pour quoi faire ?
Pour le faire
Apparaître
À ses propres yeux
Le voir se matérialiser
On pense d’abord, trop souvent, trop sévèrement à l’article, aux comptes rendus à tous ceux à qui on a peur d’en devoir, à la critique / coup de trique.
Pourtant il y aussi le journal, cette maison de vacances où l’on peut revenir quand le besoin s’en fait sentir, quand l’occasion se trouve d’une vacance d’où regarder le travail du temps dans le temps. Il y a le poème avec ses pieds qui se prêtent au pas de côté pour mieux reconsidérer ce qui s’est passé. Il y a une fois le conte et ses motifs merveilleux et sans moral qui nous relie à l’oral. Il y a le théâtre du dialogue avec soi-même où le passé, le présent et l’avenir peuvent s’entretenir…
Théoriser son geste, le ramener à la parole, à la langue qui contient, qui précède. Passer son geste par l’écrit comme par le feu : alchimie ! Faire de sa parole une boîte à matière, à couleurs qui le métamorphose en le réduisant aux cendre d’un peu de noir sur blanc. Pouvoir alors considérer ce phénix, autre à nouveau, ancien et neuf dans le même battement d’aile. Théoriser son geste, l’écrire sans que jamais la plume ne cesse d’être à l’oiseau.
Emmanuelle Cordoliani