Nuits Bribes / Moscou
Une nuit dans l’aéroport de Moscou à me souvenir de la ville où je ne pouvais pas aller – visa pour le Vietnam pas pour l’URSS – sur un banc de fer calée par mon sac à dos et mon insouciance, à effleurer cette ville avec mes souvenirs de nuits, quelques années plus tôt, les sorties de théâtre aux pièces interminables, éclairées – nec plus ultra de la modernité – par de violentes rages de stroboscope et dehors, la douceur de l’éclairage publique tiède, hors des grands boulevards déserts, pensés pour les tanks, où se perdaient parfois quelques voitures diplomatiques noires, des Trabans claires plus rarement encore, trous de boue dans les rues adjacentes, rires dans la nuit des camarades russes devant notre interprétation fantaisiste de leur théâtre officiel, du théâtre officiel qui n’était pas encore le leur et — je prie pour cela, à ma propre surprise, les dieux éthiques du théâtre —ne le deviendrait jamais, rires encore libres avant de s’y faire engloutir dans l’emploi, pour toujours porter une lettre, être un jeune amoureux, ou une reine. Au réverbère, des annonces par milliers pour tout qui nous semblait rien : paires de chaussures en 43, collection de timbre, ustensiles de cuisines… les russes détachaient précautionneusement les numéros de téléphones et les engouffraient dans leur poches comme des trésors, alors qu’ils chaussaient du 45 ou du 41 et qu’il y avait déjà des casseroles, mais ces languettes de papiers était faites de l’or des échanges, cette monnaie commune au rare.
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