OUTILS | PAYSAGE
Le paysage est un outil d’assistant.e à la mise en scène. C’est-à-dire que c’est un outil de mise en scène. C’est l’Outil. Lukas Hemleb qui l’a mis dans mes mains lui donnait-il déjà ce nom, si poétique ?… Il en est bien capable. À première vue, c’est un tableau qui recense les personnages dans les scènes, les scènes dans les actes, les actes dans un ouvrage. On pourrait croire que le nom de l’outil vient du format éponyme. Et si l’on s’arrête là, oui, ce sera la meilleure étymologie. Mais quand Lukas me l’avait confié, sibyllin, il avait ajouté : avec ça tu feras les plannings, et si tu ne fais que cela, tu ne pourras t’en prendre qu’à toi-même. Finalement, je n’ai presque jamais fait « les plannings ». J’ai fait l’emploi du temps. La main sur le berceau est la main qui gouverne le monde : je ne me suis jamais départie depuis de cette magie, qui peut paraître une corvée, comme le paysage peut sembler un vulgaire tableur.
Au premier coup d’oeil l’ouvrage offre une vue, des volumes s’y découpent, des zones d’ombres et de lumières. J’en brosse le paysage à gros traits. Un paysage dont je demeure la peintre… la paysagiste. J’oriente l’aiguille du baromètre, si c’est la neige ou la canicule qui nous donnera finalement le relief nécessaire à ce que l’histoire se dise. Je gomme les barres de mesures, les actes qui épuisaient l’action, j’installe l’oasis arbitraire de l’entracte — je ne cherche pas à satisfaire l’oeil par la symétrie –. J’efface les numéros des pages, des morceaux, des scènes, des actes au profit de vrais noms, que nous partagerons tous comme on dit au vieil arbre, ou après l’ancien presbytère préférablement à au croisement de la RN 77 et du chemin vicinal… Des noms qui disent simplement, brutalement, une situation, un moment, l’urgence : la robe-cage, le Club Silenzio, le coin clopes… Des noms qui font apparaître des échos entre des moments éloignés : Seule, Seul, Seul.e.s… Des noms étranges et mystérieux , qui se propagent par on-dit dans les conversations des équipes techniques : attention, à ce moment-là, c’est Ne Voit Les Yeux.
Et comme Wang Fo dans la nouvelle orientale de Marguerite Yourcenar, nous disparaissons bientôt dans ce paysage.
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